L'aventure de la création de Félicie

La création de la pièce maîtresse de la distillerie ne pouvait être laissée au hasard. Modèle unique, notre alambic a été façonné par un sacré personnage : M. Lagorsse, un des derniers artisans-dinandiers et meilleur ouvrier de France. On a accompagné sa création pas à pas.

La recherche

Un alambic c’est un peu le fidèle destrier du distillateur, son camarade de toutes les virées. Alors quand le projet de la distillerie a pris forme, dessiner son propre alambic c’était un peu le Graal pour Loïs. Il faudrait commencer petit, 200 litres c’est bien, le col de cygne orienté légèrement vers le bas pour donner du corps à nos futurs spiritueux tout en conservant une part de notes légères.

Et puis, il y avait ce pari de chauffer notre alambic en récupérant l’énergie solaire. Après moults soirées passées avec notre cousin Thomas à jongler entre les calculs de puissances jouls et les transferts en Kwh, on avait un prototype… sur le papier !

Qu’est ce qu’un dinandier ?

Pour donner vie à ce beau rêve crayonné, nous voulions trouver quelqu’un capable de l’animer. C’est le métier des dinandiers, ces artisans faiseurs de beautés de cuivre : batteries de cuisine, marmites pour confiture et bien sûr alambics !

Parmi cette communauté de métier, il ne reste en France qu’une poignée d’ateliers de dinandiers d’où sortent des alambics. Là encore, on a eu beaucoup de chance : l’atelier de M. Lagorsse se trouve à quelques kilomètres de notre distillerie, dans le magnifique village de St Amand de Coly. Figure bien connue dans le Périgord, cela n’a pourtant pas été aisé d’entrer en contact avec lui. Après quelques mois à le pister et un numéro de téléphone aux abonnés absents, on l’a finalement débusqué dans son nouvel atelier.

Le visage noirci par les cuves de bouilleurs ambulants en réparation avant la saison de distillation, il nous a écouté lui présenter notre projet, tout en maniant pinces, tenailles et masses de toutes tailles. Convaincu (ou peut être plutôt vaincu par nos appels répétés ?!) il a finalement trouvé une petite place dans son carnet de commandes bien chargé, en décalant un peu le démarrage d’un alambic destiné à une nouvelle distillerie normande et la rénovation des cuves de brassage d’une brasserie du Rhône. 

Félicie aussi…

Il y a différents alambics : charentais, à colonne, etc. Félicie est un alambic à repasse. Du haut de ses 200 litres, elle a quelques spécificités à son actif. C’est un alambic au caractère bien trempé et faiseur de joie, tout comme notre arrière-grand-mère qui portait aussi ce beau prénom.

La chauffe tranquille…

 La cuve de distillation repose sur un bain-marie, ce qui permet une chauffe douce et progressive de l’alcool et des plantes. C’est assez rare comme procédé. D’ailleurs, il nous l’a dit seulement une fois terminé, c’était le premier alambic de ce type que concevait M. Lagorsse. Il s’en est plutôt bien sorti !

 

Un couvre-cheffe !

 

Puis vient le chapiteau, délicate sommité martelée à la main qui recouvre la cuve. Loïs a pensé sa forme particulière pour extraire toute la complexité des arômes des plantes. Son arrondi permet un reflux des vapeurs. De cette manière, elles ne sont pas directement évacuées par le col de cygne, elles retombent dans la cuve et se chargent ainsi davantage en aromatiques. C’est une technique pour obtenir des spiritueux raffinés

 

Entre le chapiteau et la cuve, une autre des requêtes du frangin a pu être réalisée sur mesure. S’ils sont placés directement dans la cuve de distillation avec les plantes et l’alcool, les zestes d’agrumes peuvent apporter des notes amères lorsqu’ils sont chauffés. Sur Félicie, ils sont délicatement disposés dans un petit panier à travers lequel circulent les vapeurs. Sur leur passage, les vapeurs se chargent de leurs huiles essentielles sans en conserver l’amertume.

Danses des arômes

 

Les vapeurs suivent finalement leur chemin vers le col de cygne. Cette pièce fait le lien entre la cuve de distillation et le condensateur. Légèrement inclinée, sa pente a été calculée pour obtenir des spiritueux avec du corps tout en conservant l’équilibre des arômes les plus volatils. L’explication est plutôt simple : plus un col de cygne est incliné vers le bas, plus le distillat conserve les arômes lourds. Incliné vers le haut en revanche, ce sont les éléments volatils qui dominent, c’est-à-dire les arômes les plus légers (ils montent !), les notes florales par exemple.

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De la vapeur au distillat

 

Dernière pièce : le condensateur. Composé d’un serpentin plongé dans une cuve d’eau froide, il est souvent représenté dans l’attirail des apprentis chimistes.

 

Avec ce procédé, les vapeurs refroidissent au fur et à mesure qu’elles descendent ce tube enroulé.

 

La réalisation de cette pièce a demandé un patient travail. Pour former le cuivre, M. Lagorsse a besoin d’obscurité. Comme il nous l’a raconté, pour chauffer ce tube de cuivre à la flamme du chalumeau, il rejoint son atelier à la tombée de la nuit. C’est dans la pénombre qu’il peut observer le changement de couleur du métal indiquant la température idéale pour former le cuivre.

 

Le serpentin est ensuite fixé dans la cuve du condensateur, elle-même remplie d’eau une fois l’alambic installé. Le nôtre est plongé dans de l’eau de source qui circule en circuit-fermé .

Le nectar peut jaillir !

Après à peine quelques mois de chantier, on a accueilli Félicie avec beaucoup d’émotion. Elle trône désormais à une place de choix au cœur de la distillerie. L’aventure pouvait vraiment commencer !

Le défi a été relevé, merci à M. Lagorsse pour la qualité de son travail. On est d’autant plus heureux que c’est sur ce chantier que son fils a initié sa reprise de l’atelier, la relève est assurée !

Venez nous rendre visite, on vous présentera les rouages de cette rutilante et vénérable machine.